"Napoleon est revenu " Quatrième partie
Le président réfléchit un long moment.
- Convoque ? Bigre !!! Après tout, pourquoi pas ? Je suis très impatient de le rencontrer. Si je le fais venir ici, cela prendrait un caractère officiel. Si je vais à lui, je vais simplement voir une curiosité scientifique. Oui. Décidément, j'irai le voir... (il consulte son agenda)... après-demain à 16 heures.
Le Laboratoire ne pouvait plus se contenter du bref communiqué habituel. Tous les médias se déchaînaient. "Il est anormal, inadmissible que nous ne soyons pas tenus au courant de l'état réel dans lequel se trouve Napoléon. S'il y a des problèmes, nous devons le savoir"
Lors des questions au gouvernement, les députés de tous bords demandaient des informations précises. Le Ministre de l'Intérieur demanda à Samuel Brun de tenir une conférence de presse et de répondre aux questions qui lui seraient posées. Il fallait calmer l'opinion et faire comprendre qu'il n'y avait pas de secret d'État. Une conférence de presse fut convoquée.
En ouverture de la conférence, Samuel Brun fit un exposé purement technique sur la réalisation de l'expérience. Il ne parla pas une seule fois de Napoléon, mais le désignait sous le nom de "Le sujet"... Ce qui ne manquait pas d'humour, et fut relevé par le premier journaliste qui posa une question :
- Monsieur le Directeur, durant votre exposé, vous nous avez parlé "du sujet" ce qui ne manque pas de sel pour nous parler de l'empereur Napoléon. Avez-vous reçu des instructions précises des autorités françaises ?
- Je n'ai reçu aucune instruction. Je suis un scientifique. Nous avons travaillé sur des sujets d'expérimentation. C'est le terme que nous utilisons. Ne cherchez pas plus loin. Bien sûr de nombreuses questions furent posées sur l'état physique et mental du "sujet".
Samuel Brun répondit que tout semblait normal, mais que pour l'instant, il devait rester isolé pour éviter un choc brutal qu'il subirait si, sans préparation, il était mis en contact avec notre monde moderne. Il n'a pas connu les automobiles, les avions, les trains, le téléphone, la télévision, etc… Un journaliste demanda si des dispositions avaient été prises sur le plan juridique. Aura-t-il une nouvelle identité ? Sera-t-il né en 1769 ou en 2007 ? Samuel Brun répondit que ces questions n'étaient pas de son ressort, et que pour sa part, il s'attacherait uniquement à ce que son expérience soit couronnée de succès. La conférence de presse terminée, Samuel Brun se rendit chez Napoléon.
- Sire, le président Sarkozy viendra vous voir après-demain à 16 heures.
- C'est bien. Je viens de regarder dans votre appareil votre conférence avec des journalistes. Cet appareil est extraordinaire. Mais je maintiens ce que je vous ai dit. Votre évolution technique est remarquable, cependant, les hommes n'ont pas évolué en bien. Je n'aime pas tous ces questionneurs qui vous harcelaient. Si c'est l'effet de votre République, ce n'est pas un progrès. Comment voulez-vous gouverner lorsque n'importe qui peut vous demander des comptes ?
- Sire, il est difficile de dire si c'est la démocratie qui a fait les gens comme ils sont, ou si c'est l'évolution des gens qui a amené, mécaniquement si je peux dire, la démocratie ?
Napoléon réfléchit longuement.
- Je crois que ce que vous venez de dire, résume l'état d'esprit actuel. Vous pensez trop. Penser, c'est se retenir d'agir. Et ce n'est pas avec des "parlottes" que l'on dirige une nation. C'est par l'action. Il n'y a pas de gens faits pour la démocratie. Il y a des gens qui vivent en société et doivent être dirigés.
Napoléon semblait un peu fatigué. Depuis sa résurrection, il n'avait pas dû dormir beaucoup, en revanche il avait dû lire près de 20 heures par jour.
- Savez-vous enfin quelles sont les intentions des Autorités à mon égard ?
- Je les ignore toujours Sire. Mais je pense que lors de votre entrevue avec le président, ce dernier ne manquera pas de vous en parler.
- C'est de bonne guerre. Je suis en position d'infériorité. Je suis un peu son prisonnier.
- Sire ne parlez pas de guerre ! Sans rien savoir réellement, ce que je sais du caractère du président me fait espérer la plus grande bienveillance à votre égard.
- Je ne réclame aucune bienveillance. Mais du respect. Oui. Maintenant laissez-moi. Tenez, vous pouvez remporter ces vêtements "modernes". Décidément, ils sont trop laids. J'ai voulu les mettre... Ridicule... Vous me ferez refaire 4 ou 5 tenues comme celle que je porte. Allez ! C'est vous qui me présenterez le président.
Pendant les 48 heures qui suivirent, Napoléon passa la plus grande partie du temps à lire, en particulier les ouvrages qui retraçaient l'histoire contemporaine. De temps en temps, il allumait la télévision. Il ne regardait jamais une émission en entier. Il zappait constamment, en cherchant les séquences qui se déroulaient en automobile, en avion, en train, ou des gens téléphonaient... il cherchait à voir le maximum de ces machines modernes. Il tomba sur une émission où il était dit que son entrevue avec le président aurait lieu le lendemain du jour où elle devait avoir lieu.
Pendant ce temps, dehors, l'effet "renaissance de Napoléon" continuait à passionner l'opinion. En Corse, un nouveau parti était né : le P.D.E (Parti de l'Empereur) qui fédérait tous les anciens partis bonapartistes, et qui attirait des adhérents de tous horizons. Ils voulaient que leur Grand Homme revienne sur l'île. Ils voulaient le voir, l'écouter...
Le matin du jour de l'entrevue, Sarkozy avait demandé à Samuel Brun de venir le voir pour lui donner le maximum de renseignements sur l'aspect technique de la résurrection, mais surtout pour savoir comment était Napoléon, son degré de "mise à jour", son caractère, ses intentions. Samuel répondit en toute franchise aux questions du président, tout en précisant qu'en ce qui concerne ses intentions, non seulement il n'avait rien dit, mais à aucun moment il n'a laissé entendre où il aimerait aller et ce qu'il aimerait faire. Après un repas à l'Élysée, Le président et Samuel prirent l'avion pour le Cantal.
Lorsqu'ils se trouvèrent face à face, Napoléon et le président restèrent un court instant silencieux, se scrutant mutuellement, puis avec le grand sourire, si l'on peut dire, officiel, qu'on lui connaît, Sarkozy s'approcha de Napoléon la main tendue.
- Sire, c'est pour moi un immense honneur, une très grande joie de pouvoir vous saluer !
Il est difficile de dire si Napoléon n'a pas vu ou n'a pas voulu voir la main tendue. Toujours est-il qu'il alla s'asseoir sur un fauteuil.
- Monsieur le président, je suis moi-même très heureux de vous recevoir. Asseyez-vous, je vous prie. Brun vous pouvez nous laisser maintenant.
Pendant que Brun sortait, le président vint s'asseoir face à Napoléon. Son sourire avait disparu. Il était soudain tendu. Il reprit la parole :
- Sire, je suis très fier. Très fier que le premier homme qui soit rappelé à la vie soit un Français. Très fier que ce soit l'œuvre de chercheurs français. De plus, j'aime énormément l'histoire Sire, et vous avez écrit de belles pages de notre histoire.
- On ne peut gouverner sans aimer l'histoire. C'est la connaissance de l'histoire qui nous permet de gouverner dans le présent, et de préparer l'avenir.
- Certes, l'histoire nous aide à comprendre la situation actuelle. Mais il est aussi certain que l'histoire ne se reproduit jamais. Jamais.
- Les conditions techniques changent, mais les mécanismes, les ressorts de l'action sont des données permanentes. Beaucoup de choses ont changé depuis ma première vie, mais il y a des constantes immuables.
- Puisque vous parlez de votre première vie, Sire, vous devez comprendre notre impatience de savoir ce qui s'est passé entre vos deux vies. Vous êtes le premier et le seul à pouvoir nous éclairer.
Napoléon, en souriant :
- Le premier ? Non. Vous oubliez Jésus Christ !!!
- Son passage dans la mort a été bref,... et vous savez qu'il n'a jamais dit ce qu'il avait fait pendant ces trois jours...
- Hé bien je vais vous décevoir. Il me semble que tout s'est passé comme si ma résurrection était prévue. Même dans la mort, je n'ai pas été soumis au droit commun. J'étais en attente. Je me souviens parfaitement de ma première vie terrestre, entre les deux, je n'ai qu'une sensation vague. Je pressentais une vie autour de moi, faite de vibrations de couleurs, de pensées, mais j'étais isolé de ce monde. Je n'en faisais pas partie... puisque nous parlons de l'au-delà, pouvez-vous faire renaître Joséphine ?
- Samuel Brun m'a déjà fait part de votre désir. Mais nous ne savons pas s'il existe quelque part son empreinte génétique. Je dois vous dire qu'il ne nous serait pas possible de la faire renaître, jeune.
- Curieuse remarque. Je vous parle de Joséphine, pas d'une femme quelconque. L'âge importe peu.
- Sire je ferai faire des recherches. Avez-vous d'autres désirs ?
- Quelles dispositions comptez-vous prendre à mon égard ?
- Que désirez-vous vous-même ?
- Monsieur le président, ne tournons pas autour du pot. Vous savez très bien que je suis en grande partie entre vos mains. Quelles sont vos intentions ?
- En ce qui concerne votre installation, vous pourrez vous installer ou bon vous semble. Sauf en Corse.
- Pourquoi pas la Corse ?
- Sire, depuis votre renaissance, il existe une grande effervescence en Corse. C'est une question d'ordre public. Vous avez trop le sens de l'État pour ne pas comprendre.
- Bien. Dans ce cas je m'installerai dans le Var, près de Toulon. C'est là que ma gloire a pris son essor.
- La République achètera une propriété et vous versera une pension conforme à la gloire dont vous venez de parler.
- Je vais donc dépendre de la République. Serai-je libre ?
- Sire, il n'est pas question de vous imposer un régime analogue à celui de sainte Hélène. Vous serez libre bien entendu. Je ne vous cache pas que de nombreux hommes politiques voudraient qu'il vous soit impossible d'avoir une activité politique, de faire des déclarations. Je ne les suivrai pas. Je fais une fois encore confiance à votre sens de l'État pour que vous ne suscitiez pas de troubles dans une République qui vous a fait renaître.
- Ce n'est pas la République qui m'a fait renaître. Ce sont des savants Français.
- Voulez-vous me dire que j'ai tort de vous faire confiance ?
- Ai-je dit ou laissé entendre une chose semblable ? Monsieur le président, j'ai gouverné la France durant de nombreuses années, et je ne ferai rien qui puisse lui nuire.
- À la France... et à la République ?
- Monsieur le président, vous devenez trop subtil... Songez que je viens de faire un prodigieux bond dans le temps. Mon problème immédiat est de me réadapter à un monde qui n'est plus le mien. Quand pensez-vous qu'il me sera possible de m'installer dans le Var ?
- Je vais prendre les dispositions nécessaires pour cela aille vite. Brun vous tiendra au courant.
- Bien. J'ai été heureux de pouvoir bavarder avec vous Monsieur le président. J'espère que nous nous reverrons, et que nous parlerons de notre amour commun : La France.
- Bien entendu nous nous reverrons.
Au moment où le président s'apprêtait à sortir, Napoléon lui dit :
- J'ai appris par votre boîte magique, la télévision, je crois, que notre entrevue devait se dérouler demain.
- Sire, j'ai voulu que notre rencontre se déroule dans un climat serein. Si j'avais annoncé ma venue pour aujourd'hui, il y aurait eu une meute de journalistes, et nous aurions dû en admettre quelques-uns pour prendre des cliches sur une rencontre historique. Même si cela n'aurait duré que quelques minutes, j'ai voulu vous éviter ce désagrément.
- En somme le Chef de l'État ne pouvait ni se taire ni dire la Vérité. C'est une grave atteinte à vos prérogatives.
- Lorsque vous serez familiarisé avec notre époque, vous constaterez que l'on ne mène pas un peuple au début du XXIe siècle comme il y a 200 ans. Si l'autorité y perd quelques forces, le peuple est globalement plus heureux, et c'est là l'important.
- Je pense Monsieur le président que vous commettez une erreur. Que le peuple puisse profiter de vos avancées techniques, pourquoi pas ? Mais qu'il vienne s'immiscer dans les prérogatives du Pouvoir... Quelle que soit l'époque, le Pouvoir doit être fort, dans l'intérêt du peuple.
- C'est un débat intéressant Sire. Mais je suis persuadé que tout est lié. Il ne peut y avoir un développement du bien-être matériel du peuple sans qu'il acquière par la force des choses, quelques pouvoirs dans le domaine politique.
- Vous posez un simple postulat qui est en contradiction avec un principe fondamental. Le Pouvoir ne se partage pas. C'est la condition de sa durée.
- Sire, mon prédécesseur est resté 12 ans au pouvoir, son prédécesseur 14 ans... alors que vous avez abdiqué 2 fois en 13 ans...
- Les circonstances étaient différentes. J'avais toute l'Europe contre moi. Et la royauté a duré 10 siècles.
- Nous pourrions parler des heures. Mais les Français sont républicains et heureux de l'être. À bientôt Sire.
A suivre...
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