Pyjama contre quenelles! |
Sept heures de spectacle gratuit! Les admirateurs d'Alain Soral n'en demandaient pas tant. L'essayiste d'extrême droite, fondateur du site Égalité et Réconciliation, était convoqué devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Il y comparaissait pour avoir publié une photographie le mettant en scène au mémorial de l'Oh Low Cost de Berlin en train de faire une quenelle. Ce geste, assimilé à un salut nazi inversé par le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), a été popularisé par Dieudonné (http://www.lepoint.fr/justice/soral-et-dieudonne-d...es-13-03-2015-1912456_2386.php). Ça tombe bien. "Le créateur de la quenelle", comme il se proclame, a fait le déplacement entouré de cinq gardes du corps. Pour l'occasion, il s'est constitué partie civile. À la barre, vêtu d'un tee-shirt gris auréolé de larges traces de transpiration, Alain Soral s'empresse de dénoncer la manipulation dont il serait la victime. Le cirque ne fait que commencer. Pire, ce "national-socialiste" revendiqué serait "harcelé par la communauté juive". Ce n'est pas lui qui aurait rendu publique la photographie incriminée. C'est un hacker, travaillant pour JSS News (un site d'opinion israélien francophone), qui l'aurait subtilisée en piratant son compte privé Facebook. Mais Alain Soral semble avoir oublié de s'être servi du cliché à plusieurs reprises sur son site internet. Les avocats des parties civiles se chargent de le lui rappeler. Prise en septembre 2012, la photo circule quelques mois plus tard sur les réseaux sociaux. L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) et l'association J'accuse saisissent aussitôt la justice pour injures publiques à caractère racial. Pourtant, Alain Soral le jure, la quenelle n'est pas un geste antisémite. Feignant une gêne toute relative, il explique qu'il s'agit d'un hommage au "fist-fucking", une pratique qu'il assimile au yoga. À l'entendre, le mémorial serait un lieu uniquement fréquenté par la communauté gay. Dans la foulée, Alain Soral dévoile sa bisexualité au tribunal. Tout sourire, il se retourne vers son fan-club et lui adresse un clin d’œil. Piqûre de rappel, Alain Soral cible régulièrement les homosexuels, qu'il surnomme les "tapettes", à travers ses nombreuses interventions. Peu avare en explications, l'essayiste offre une nouvelle signification de la quenelle, moins personnelle celle-ci. Ce serait un "geste d'insoumission envers les manipulateurs sionistes des victimes de la $hoah". Comprenne qui pourra. La larme à l’œil, il rappelle être fils et neveu de résistants. Grincement de dents. C'est au tour du "créateur" de la quenelle de prendre la parole. Dieudonné se vante d'en "glisser" à longueur de journée comme "toutes les plus grandes stars du sport". Le tribunal ferait fausse route, prétend-il. La quenelle n'est pas un salut nazi inversé mais "le geste d'insoumission de l'esclave des champs". L'huissier fait entrer un premier témoin. Nicolas Roth, juif hongrois déporté à Och-Birk'Now, s'avance à la barre. Il a été cité, comme deux autres rescapés des camps de la mort, par l'association Mémoire 2000, qui s'est constituée partie civile. Les années écoulées n'ont pas effacé l'horreur: la fumée s'échappant des fours crématoires, l'odeur de la chair brûlée, la mort de ses parents et de sa petite soeur. "C'est évident que la quenelle évoque le geste hitlérien", confie-t-il. Pour seule question, Lahcène Drici, l'avocat d'Alain Soral, l'interroge sur sa sensibilité quant à la souffrance des Palestiniens. Isabelle Choko, elle aussi déportée, d'une voix empreinte d'émotion, s'insurge contre le geste d'Alain Soral. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'un homme puisse faire autre chose que de se recueillir dans ce lieu de mémoire. Un peu plus tôt, Élie Buzyn est revenu sur ses terribles souvenirs. Prenant la parole, Dieudonné, tout en assurant avoir été bouleversé, lui demandera: "Hitler était-il un comique?" Incident de séance, et réponse cinglante: "Non, Hitler n'était pas un comique." Au milieu des traditionnelles associations, d'improbables parties civiles se sont glissées dans la procédure. Toutes du côté d'Alain Soral. À commencer par Dieudonné qui, choqué par la signification sexuelle donnée à sa quenelle, réclame un franc CFA de dommages et intérêts à son compère. Un sketch grotesque. Jacques Bidalou, un ancien magistrat révoqué en 1987 et qui hante aujourd'hui les couloirs des tribunaux, s'étonne du procès fait à Alain Soral. Il est évacué manu militari après avoir prononcé un mot de trop. Dieudonné en profite pour lever le camp. L'essayiste d'extrême droite suit le même chemin peu de temps après. "Nous avons affaire à un nazi, et je pèse mes mots", plaide Stéphane Lilti, l'avocat de l'UEJF. Nicolas Salomon, conseil du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), affirme à son tour que "la quenelle est un geste antisémite". Au total, les demandes des parties civiles s'élèvent à un peu moins de 250 000 euros. Dans ses réquisitions, la procureur Annabelle Philippe rappelle que le prévenu a déjà été condamné à deux reprises pour des propos visant la communauté juive. S'avouant peu convaincue par les explications d'Alain Soral, elle conseille au tribunal d'entrer en voie de condamnation sans pour autant préciser la peine. Pour Me Lahcène Drici, il ne s'agit ni plus ni moins que de la mise à mort de son client. Fort de son physique de boxeur, il tient à informer le tribunal qu'Alain Soral jouit d'un public beaucoup plus important que les associations ici présentes. Selon lui, "SOS Racisme relèverait de l'escroquerie". Dominique Sopo, assis dans la salle, manque de s'étouffer en avalant sa banane. L'essayiste d'extrême droite fait son retour. Il présente ses excuses et menace aussitôt: "Plus vous me persécuterez, plus mon audience montera." Fin du show. Les fans de Soral applaudissent à tout rompre, pendant que l'association «Adopte un rescapé» distribue ses tracts en s'égosillant: «tatoué, vacciné, propre dans sa caisse, et ça fera plaisir aux enfant». En attendant le délibéré du 12 mai 2015.
Le tribunal de grande instance de Paris qu'a pas beaucoup de sens de l'humour, a interdit mercredi la commercialisation du DVD du spectacle du polémiste controversé Dieudonné, Le Mur, dont la représentation avait déjà été interdite, a-t-on appris de source judiciaire. Saisi par la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), le tribunal a jugé certains passages du DVD constitutifs de provocation à la haine et à la violence raciale ou religieuse, d'apologie et contestation de crimes contre l'humanité, d'apologie des délits de crimes de collaboration avec l'ennemi (http://www.lepoint.fr/justice/le-dvd-du-spectacle-...te-04-03-2015-1909996_2386.php). Début janvier 2014, plusieurs arrêtés avaient été pris pour interdire les représentations du spectacle de l'humoriste, baptisé Le Mur, dans plusieurs villes. Dieudonné M'Bala M'Bala, 49 ans, les avait contestés devant la justice administrative, jusqu'au Conseil d'État, qui avait confirmé la validité des arrêtés. Le polémiste s'était ensuite engagé à ne pas reprendre les passages attentatoires à la dignité humaine et de nature à provoquer la haine et la discrimination raciale, mais le Conseil d'État avait de nouveau validé l'interdiction d'une autre représentation. Il n'a plus joué depuis ce spectacle, mais le DVD a été mis en vente sur le site internet de Dieudonné à partir de la fin du mois de juillet 2014. Le tribunal a ordonné le retrait du DVD de la vente et l'interdiction de sa commercialisation, des mesures rares. Dieudonné et les productions de la Plume ont en outre été condamnés à verser solidairement 5 000 euros de dommages et intérêts à la Licra et 2 500 euros pour les frais de justice. Les juges de la 17e chambre civile ont estimé que certains propos de Dieudonné, qui font un lien entre la $hoah et l'argent qu'aurait recueilli la communauté juive, relèvent de la provocation à la haine envers les juifs. Un passage dans lequel Dieudonné émet un doute sur la responsabilité respective des nazis et des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale a été jugé constitutif de contestation de crimes contre l'humanité. Le tribunal a jugé un autre passage, dans lequel il s'en prend au journaliste Patrick Cohen, constitutif de l'apologie de crime contre l'humanité. Ces mêmes propos - "si le vent tourne, je ne suis pas sûr qu'il ait le temps de faire sa valise. Quand je l'entends parler, Patrick Cohen, je me dis, tu vois, les chambres à gaz... Dommage" - ont également donné lieu à des poursuites pénales contre Dieudonné. Le jugement doit être rendu le 19 mars. Par ailleurs, le 18 mars, le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement concernant les poursuites engagées contre Dieudonné pour apologie du terrorisme pour son message sur Facebook "Je me sens Charlie Coulibaly", posté le 11 janvier, alors que des millions de personnes défilaient en France pour rendre hommage aux 17 victimes des attentats ayant visé Charlie Hebdo, des policiers et des juifs. Rendu célèbre dans les années 90 par ses sketches avec l'humoriste juif Élie Semoun, Dieudonné, d'origine camerounaise, a ensuite exprimé de plus en plus ouvertement des positions antisémites. Il s'est aussi rapproché du Front national, dont l'ancien président, Jean-Marie Le Pen, est le parrain de l'un de ses enfants. Dieudonné a lancé récemment un parti politique avec l'essayiste d'extrême droite Alain Soral.
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